Les îlots agroécologiques : la solution au Burkina Faso ?

Un îlot agroécologique, c’est un espace de vie déterminé, accueillant un(e) paysan(ne) et sa famille, lui donnant les moyens d’atteindre une autonomie alimentaire et économique durable, qui résiste au changement climatique grâce aux techniques agroécologiques. Terre & Humanisme soutient la mise en place et le suivi d’îlots agroécologiques en lien avec l’association AIDMR au Burkina Faso.

 

Témoignage de Monsieur OUEDRAOGO Issaka, ilotier de la zone du Sourou

Issaka a bénéficié d’un îlot en 2018. Avant cela, il pratiquait déjà l’activité agricole dans sa cour familiale. L’îlot a amélioré spécifiquement cette activité grâce au grillage qui permet de protéger ses plants.

Pour développer cette activité, Issaka tient compte des différents types d’arbres demandés dans la zone : goyaviers, manguiers, baobabs, etc.

Par le passé, il pouvait produire jusqu’à 2 000 plants d’anacarde mais il a réduit sa production : il s’est adapté au marché et au changement de pratique des paysans. Les paysans sèment maintenant les anacardes directement dans les champs alors qu’avant ils les plantaient. La demande et donc le prix de vente du pied d’anacarde a ainsi baissé.

Issaka réalise ses pépinières en mars/avril ; ainsi les plants sont prêts pour la vente à partir de juin. Les ventes se concentrent surtout sur les mois de juin, juillet, et août : « Les jours de marché, les gens viennent nombreux payer les plants. Ils connaissent mon emplacement, je suis toujours au même endroit. J’arrive avec 100 plants le matin et j’écoule tout dans la journée. »

Issaka a voyagé en Côte d’ivoire, il sait que l’arbre rend de nombreux services à l’homme avec ses fruits notamment, et à l’environnement. Contrairement à la Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Sahel, les gens ne plantent pas d’arbres. Il est heureux de savoir qu’une vingtaine de personnes s’est investie localement et participe à réduire la pauvreté dans la zone en se lançant dans l’activité de pépinière et de vente de plants par son exemple. De nombreuses personnes viennent prendre conseil auprès de lui.

Pour développer son îlot, M. Issaka compte sur le retour de son fils aîné qui travaille actuellement au niveau d’un site d’orpaillage artisanal. M. Issaka souhaite diviser le champ familial pour lui donner une moitié à cultiver, mais son fils n’a pas accepté. Il a espoir que son fils revienne s’investir sur la ferme en avril 2022.
Il souhaite également développer l’élevage de volailles avec une couveuse solaire comme activité génératrice de revenus.

Témoignage de Monsieur BANDE Sadjo, îlotier de la zone de Wayindi

Sadjo a bénéficié d’un îlot en 2015. Avant cela, il pratiquait déjà l’élevage : bœufs, moutons, chèvres et volailles (3 à 4 poules) dans sa cour familiale.

L’installation de l’îlot lui a surtout permis de développer son élevage de volailles. Il a démarré l’aviculture sur l’îlot en y amenant une poule et ses poussins. Il a également fait couver des œufs de pintades par la poule… et aujourd’hui il a 108 poules, 30 poussins et 15 pintades.

D’après Sadjo, les pintades sont plus faciles à élever que les poules. Si elles sont bien alimentées, elles seront les premières à venir courir dans vos pieds le matin lors de la distribution de la ration.

L’îlot de Sadjo est bien clôturé. Ses volailles sont parquées dans l’espace de vie mais peuvent rentrer dans le reste de l’îlot comme parcours.

Économiquement rentable ? 

Son élevage de volailles génère entre 50 000 et 75 000 francs CFA par an grâce à la vente des poules, des pintades (chair) et des œufs des pintades.

Sadjo donne exclusivement du sorgho blanc aux volailles (mélange de son et de grains). Sa femme dispose d’un bon mortier sur son ilot et plusieurs femmes du village se donnent rendez-vous pour en profiter. En contrepartie, le son tombé sur place nourrit sa volaille.

Le plat yorba de son de sorgho blanc se vend à 350 francs CFA. Auparavant, il vendait le son resté après le passage des femmes mais il l’utilise maintenant et économise autant.

En 2017 – deux ans après son installation – il a connu une épidémie sur sa volaille. Chaque année depuis, il fait vacciner ses sujets (50 francs par tête). Il n’a pas recours à des antibiotiques curatifs ; il utilise un traitement préventif traditionnel qu’il laisse infuser dans l’eau de boisson : écorce de caïlcédra, écorce de balanites, écorce de mitragina inemis (yiilga en mooré) ainsi que la racine du yaam tiiga (en mooré). La volaille boit jusqu’au soir, et chaque matin il lave et change l’eau mais pas les écorces qui restent efficaces pendant une semaine. Sadjo a remarqué que le traitement est efficace contre la diarrhée blanche des poussins.

 

Dynamique entre îlotiers dans la zone de Wayindi

Dans la zone de Wayindi, les îlotiers ont enclenché une dynamique d’entraide collective.

L’entraide en milieu paysan est quelque chose qui se fait depuis longtemps mais une réunion entre les îlotiers de l’AIDMR a renforcé ce lien entre îlotiers d’une même zone. Cela fait maintenant 3 ans que la dynamique existe entre les 8 îlotiers de la zone :

  • les anciens bénéficiaires d’îlot s’engagent aux côtés du nouveau bénéficiaire pour l’aider dans son installation ;
  • chaque année, ils planifient la réalisation des tâches difficiles à réaliser seul sur les îlots (creuser le bassin de rétention des eaux de pluie, construire des bâtiments ou encore refaire le toit en paille des poulaillers). La participation de la dizaine d’îlotiers de la zone et des membres de la famille facilite grandement l’avancée des travaux.

Comment expliquer cette dynamique ? 

Dans la zone, les îlots sont tous situés dans un rayon d’1 km voire 1,5 km. Cela facilite bien sûr la dynamique…

Mais Sadjo est également animateur de la zone de Wayindi pour l’AIDMR. Quand on lui demande si son engagement explique la dynamique, il répond « oui, en partie » : bien qu’il ne sache pas lire en français (mais qu’il soit alphabétisé en mooré) en tant qu’animateur il arrive très bien à faire passer son message dans sa zone auprès des membres de l’AIDMR et des autres îlotiers. Cette dynamique a pu prendre grâce à l’image que les gens ont de lui : ils ont confiance en lui. A la question pourquoi ont-ils confiance en lui, Sadjo répond : « Avant d’être animateur, j’étais simple membre de l’AIDMR. J’ai accepté de remplacer l’animateur pendant la période de carême : certains ont apprécié ma détermination. J’ai également gagné leur confiance en restant honnête dans la gestion de fonds qui m’ont été confiés. J’ai ainsi gagné ma place d’animateur et le respect des autres membres. Par la suite, on m’a régulièrement sollicité pour des déplacements, rencontres, qui ont certainement augmenté ma crédibilité auprès de la population. »

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